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Un humoriste québécois raconte sa bagarre contre un itinérant à Los Angeles


PUBLICATION
Marc-André Berthier
10 février 2024  (20h57)
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Crédit photo: jayman.lol

On dirait une anecdote tirée d'un film hollywoodien, mais c'est bel et bien ce qui est arrivé!

Voici une partie de l'anecdote de l'humoriste Jérôme Claveau, alias Jayman.

Pis là, avant de continuer avec mon anecdote, je tiens à préciser deux choses.
Tout d'abord, il n'est pas dans mon habitude de me pogner avec des itinérants. Avec personne, en faits. J'ai mangé suffisamment de claques sua yeules dans ma jeunesse pour en faire une indigestion, et comme tu le verras dans les prochains paragraphes, je suis maintenent un adepte de trouver une solution pacifique aux situations tendues.
Deuxio, il n'y a aucune généralisation possible du comportement de l'itinérant en question. Ça fait 6 mois que je me tiens tous les jours dans les refuges pour itinérants pour écrire un livre qui se passe dans le monde de l'itinérance, et j'ai très très très rarement vu des comportements violents, et ce que je t'apprêtes à te faire vivre était une première pour moi.
Donc, je suis en ligne au refuge pour le repas du dîner, à l'extérieur du refuge. Je suis dans ma p'tite bulle, tout va bien. Un moment donné, y'a un gars, sorti de nulle part, qui se plante à côté de moi et qui me parle. Rien de cohérent, c'est ce qu'on appelle du «word salad», une salade de mots, parce que bin je sais pas, en faits, parce que pour une salade, ça manque clairement de verdure.
Bref.
Jusque là, tout est normal. Je veux dire, quand tu te tiens proche des milieux de l'itinérance, tu t'habitues à voir du monde qui se parlent tout seuls. C'est comme quand ta mère t'appelle au téléphone pour te débiter sa vie sans te laisser de place pour parler. Tu te fermes les oreilles en sachant que ça va éventuellement finir par finir.
Mais là, non. Y'a quelque chose de différent. Le gars se parle tout seul, clairement, mais il se parle tout seul à moi. Je sens qu'il me parle. Et je regarde du coin de l'oeil et je vois qu'il me fixe intensément.
Faque je met mes écouteurs pour l'ignorer en paix, et je lis un livre sur mon cellulaire en me disant «ça va passer.»
Mais non. Le gars reste planté là et me parle, et me parle, et me parle.
Pis après une dizaine de minutes de ça, je commence à avoir les nerfs de patience à boutte. Imagine quelqu'un qui te «stalke» à 3 pieds de ta face, c'est plutôt haut dans le registre de «déplaisant».
Faque je le regarde, et je lui dis, très calmement, «S'il te plaît, j'aimerais ça que tu ailles parler ailleurs.»
Il m'envoie chier.
Baon.
J'embraye avec la technique du «disque qui saute», en l'honneur des vinyles usés qui sautaient et qui faisaient rejouer la même phrase en boucle. Je répète donc ma demande, toujours avec un ton calme et posé.
«S'il te plaît, j'aimerais ça que tu ailles parler ailleurs.»
Rien à faire, il continue à me parler. Il en vient aux insultes, je reste calme et répète ma demande.
Rien à faire. Ça commence à m'énerver, parce que d'habitude, cette technique-là est super efficace pour éviter une escalade verbale. Mais là, l'escalade est aussi difficile à éviter qu'une baleine dans le tunnel Ville-Marie.
Un moment donné, il se met à radoter que je le respecte pas. Je me dis que le respect doit être quelque chose d'important pour lui, alors j'ajoute ça dans ma demande. «S'il te plaît, je te demande de me respecter et d'aller parler ailleurs.»
Toujours rien. La baleine ne fait que prendre de l'envergure et je sais pas comment, parce que y'a personne qui la nourrit. Elle se nourrit de l'intérieur! Elle est auto-nourrissante.
Après un bon 5 minutes de ça, j'abandonne. Je remets mes écouteurs, je me retourne pour couper tout contact visuel, et je me remet à lire, et il vient se coller sur moi pour continuer à me déverser son flot de paroles dans mes oreilles.
Oh boy. La technique du disque qui saute commence rapidement à faire place à la technique du gars qui explose. Une technique beaucoup, beaucoup moins pacifique.
Je me retourne dans sa face et je lui dis, avec une absence totale de gentillesse et de bienveillance, «Get the fuck away from me. Get the FUCK away from me.»
Généralement, avec le look que j'ai et ma grosse voix, quand je m'exprime en puisant dans mon fond de rage latente, les gens prennent leurs distances. Et ça marche. Un peu. Il recule. Je pense qu'il s'attendait pas à ça. Mais, il continue à me parler.
Faque je retourne à ma demande, qui est maintenant un ordre, et qui sort avec assez de décibels pour enterre le cri d'agonie de la baleine.
Mais il bronche pas. Même pas un sourcil relevé par surprise. Il continue à me parler, comme si de rien n'était.
Misère. Mais au moins, il a reprit ses distances, et je me dis qu'il voit bin que je me laisserai pas embêter, alors je me détourne de lui, mais je reprends pas ma lecture, parce que j'ai trop d'adrénaline dans le système pour focuser sur des mots.
Je prends des grands respires pour me calmer. Et il me touche.
Il. Me. Touche.
Et c'est la goutte qui fait exploser la baleine.
Je me revire vers lui, en mode «rage mode activated», et j'aimerais dire que le reste est super flou, mais non, je me souviens exactement de ce qui s'est passé.
Pendant que les autres itinérants jubilent de joie à voir une bagarre «live» dans leur face, je commence par lui calicer la bouteille d'eau que j'avais dans ma main en pleine face, histoire de créer une distraction pendant que je lui enfonce un solide coup de pieds dans les côtes, et que lui au même instant me rentre une solide droite dans la mâchoire, ce à quoi je réponds avec une solide droite dans sa mâchoire, ce à quoi il répond en crachant du sang à terre.
Puis on marque une pause. On se regarde. On s'étudie. Je suis planté dans sa face, avec un non-verbal qui hurle «I can do this all day» (ce qui est pas vrai, mais mon corps a regardé trop de films d'action pour penser autrement!). Et lui prend une pose de défense que je connais trop bien : c'est la pose de quelqu'un qui se bat avec un couteau dans les mains.
Il a pas de couteau, là, mais il a la pose du gars qui sait se battre avec un couteau. Pas bon signe, ça.
Et en une fraction de seconde, je réalise que les États-Unis sont pas super bienveillants avec leurs vétérans. Ils sont abandonnés à leur PTSD et leurs problèmes de consommation et se retrouvent bien souvent dans la rue. Est-ce que je suis en train de me pogner avec un ex-militaire? J'ai pas envie de le savouère.
Pis aussi, j'ai mon cell dans ma poche, pis j'ai pas envie de risquer de le briser, parce que pas mal toute ma vie (et mes économies) est dessus.
Faque je prends sur moi de dé-escalader tout ça. Je recule d'un pas, et je lui dis «Go fuck with someone else.»
Il me dit que je sais pas me battre, blablabla, m'en fout. «Go fuck with someone else».
Il recule aussi d'un pas. Je pense qu'il comprend qu'il a affaire à quelqu'un qui sait peut-être pas se battre mais qui sait se défendre.
On se toise un moment, puis il prend ses affaires et s'en va.
Je retourne en file, en engueulant le gars de sécurité qui est resté planté-là, et qui ose me dire «Je peux rien faire, t'es sur le trottoir, pas sur le terrain de refuge». Fucker.
Un itinérant me dit «Hey, tu dois être content qu'il soit parti ailleurs.»
No shit, Sherlock!
Pis bin je me suis calmé, ils ont ouvert les portes pour aller manger, j'ai mangé, pis ça été ça.
Pis c'est bizarre parce que je suis à la fois fier et pas fier de moi dans cette histoire-là. Je suis pas fier, parce que j'aurais préféré garder mon calme et pas me battre. Je suis déçu de moi de pas juste avoir été «ailleurs» pour éviter le combat.
Et en même temps, je suis fier de moi parce que j'ai pas reculé devant la menace. J'ai tenu mon boutte, et je me suis tenu debout pour me protéger. En tant que tit-cul qui s'est fait battre et «bullyer» une bonne partie de son enfance, c'est gros, ça, de savoir que je suis rendu à un point dans ma vie où je peux me tenir debout et me défendre.
Et je suis aussi fier parce que malgré tout, j'ai réussi à arrêter le combat, et éviter que ça dégénère, que quelqu'un soit gravement blessé, ou pire encore
Pis bin, j'ai pas de belle morale pour cette histoire-là. Je vais juste réitérer que ça fait longtemps que je me tiens dans les organismes qui viennent en aide aux itinérants, et c'était la première fois que je voyais un comportement aussi agressif et violent. Les itinérants sont chills, ok? Y'ont des histoires abaracadabrantes à raconter. Ou y font juste leur petite affaire, tranquilles dans leur coin. Y'a pas à avoir peur d'eux autres.
Pis si ils te gossent, la technique du disque qui saute, c'est pas mal la meilleure technique pour interagir avec eux. Normalement, ça marche. La preuve, je repense à un autre moment tendu, à la bibliothèque municipale d'Edmonton. J'étais en train de travailler, pis y'a un itinérant derrière moi qui se parle tout seul à voix haute. Je lui ai demandé de baisser le ton, il m'a crié des insanités pis il m'a demandé si je voulais qu'il me tue. J'ai dit «Non, je voudrais simplement que tu baisses le ton», sur un ton très calme et posé et poli. Il a continué à m'insulter, j'ai continuer à lui dire «Je te demande simplement de baisser le ton», et après 5 ou 6 reprises, son attitude a changée, et il m'a dit «Ok, oui, t'as raison», puis il s'est assis en silence. Et quand il est parti, il est venu me remercier et me souhaiter une excellente journée.
Pis je pourrais te raconter plein d'autres moments où ça a fonctionné avec des gens en crise. Pas juste des itinérants, là!
Faque y'a pas vraiment de morale, mais y'a quand même un bon outil de gestion de crise!

Source: https://jayman.lol/2024/02/06/je-me-suis-presque-fait-peter-la-gueule-a-los-angeles/?fbclid=IwAR0UFX01PTkkrq-HmR2rqpW_0CJ_zGQip-FH0O4JABlPa0VRI_9biPrIL5o

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