« Fin de mon silence.
Je dévoile aujourd'hui mon identité face à l'expérience la plus difficile de ma vie. Je suis restée anonyme tout au long du processus judiciaire criminel en matière de violence conjugale dans le but de préserver mon énergie pour me rendre en un seul morceau jusqu'au bout.
Je me suis tue en espérant être la "parfaite victime", celle qui ne fait pas vague, alors que mon histoire était au même moment manipulée, contrôlée et déformée. Ces sentiments d'invisibilité, de peur et d'emprise ainsi que cette impression de marcher sur des oeufs que j'ai ressentis pendant la relation se sont perpétués pendant le parcours judiciaire.
Mon identité était protégée publiquement par choix, mais maintenant que ce processus est terminé, je ressens profondément le besoin d'assumer mon parcours et de reprendre le pouvoir de mon histoire.
Je n'ai pas honte. Je choisis de sortir de l'ombre pour mettre en lumière la force et le courage qui m'ont habitée, dans le but de les partager avec toutes les victimes. Reprendre ma place de capitaine de mon propre navire est une étape importante, symbolisant le début d'un nouveau voyage.
Je n'imaginais pas la fin de ce périple judiciaire ainsi, mais un revirement de situation s'est présenté quelques heures avant le procès.
L'accusé a reconnu devant la Couronne avoir posé des gestes qui ont pu me faire craindre pour ma vie, accompagnant cette admission d'une proposition d'entente : celle de signer un engagement de ne pas troubler l'ordre public, en vertu de l'article 810 du Code criminel.
Cet aveu, éloquent et significatif, a occupé une place importante dans ma réflexion à accepter cet accord qui comprend diverses conditions visant à assurer ma protection. Le fait qu'il ait reconnu représenter un danger pour moi m'a amenée à accepter l'entente et à fermer cet important livre de ma vie.
Surtout, j'ai priorisé ma paix intérieure.À toutes celles qui souffrent dans l'ombre de celui qu'elles pensaient être un «prince charmant», invalidées et qui ont l'impression d'être toujours inadéquates: je vous vois.
Aucune lune de miel ou histoire d'amour illusoire ne peut excuser des marques, qu'elles soient physiques ou émotionnelles. Même si les moments de romances semblent magiques, ils font eux aussi partie du cycle dévastateur de la violence conjugale. Sortir de cette montagne russe, c'est possible.
Je tiens à remercier SOS violence conjugale, les policiers, l'enquêteur et la procureure en charge du dossier ainsi que le Centre d'aide aux victimes d'actes criminels pour leur accompagnement.
Malgré ce qu'on entend souvent à propos des failles du système judiciaire, on m'a offert un soutien précieux que je n'avais pas anticipé. L'appui et l'aide que j'ai reçus m'ont permis de traverser cette épreuve avec confiance. J'encourage toutes les victimes à envisager cette voie.
Merci à toutes ces femmes qui se lèvent dans un esprit de sororité pour leurs soeurs et à ces hommes qui prennent position pour faire changer les choses. Vous m'avez fait comprendre que je n'étais pas seule dans mon épreuve et que le combat n'appartenait pas qu'aux femmes, mais à toute la société.
Aujourd'hui, des larmes d'épuisement et de joie coulent sur mon visage. Je suis reconnaissante des leçons apprises et fière de m'être respectée en restant debout, jusqu'au bout. À travers la fragilité se trouve aussi la résilience.
Ce message représente une reprise de pouvoir essentielle à ma guérison, dans laquelle je souhaite partager en retour du courage, de l'amour de soi, du soutien et de la force intérieure à toutes les victimes de violence conjugale. »